Aga – Un film de Milko Lazarov
Dans la blancheur de la Iakoutie, le réalisateur bulgare nous convie à un voyage plein de poésie d’un monde en voie de disparition.
Tout un monde
Des paysages blancs à perte de vue, qui se perdent dans l’immensité d’un ciel clair. Le monde présenté par Milko Lazarov nous fait saisir d’un coup d’œil les différentes variétés de blanc, cette non-couleur qui possède, paraît-il, une dizaine de termes lapons pour désigner ses infinies nuances. Sauf qu’ici, nous ne sommes pas en Laponie, mais dans la Russie turcophone, étrange alliance d’une langue vouée au soleil et d’un paysage polaire. La blancheur des blocs de glace, presque transparente, se dessine clairement sur celle, plus dense, de la neige agglomérée. Quant au ciel, lorsqu’il est bleu, il est si clair qu’on le confond volontiers avec la neige qu’il recouvre. Parfois, la traînée d’un avion strie ce bleu clair d’un blanc soutenu. Le caractère rectiligne de ce trait, qui rompt avec la rondeur des yourtes, annonce l’écartèlement de Nanouk et Sedna, entre tradition et modernité.
Entre bruit et silence
Car Nanouk et Sedna, les personnages principaux, sont désormais seuls au milieu de cette immensité : leurs enfants sont partis travailler dans une mine de diamants et Aga, leur fille, a même coupé les ponts avec eux. Loin de se laisser envahir par le silence de cette solitude, toutefois, le réalisateur nous rend sensibles à tous ces sons qui marquent la présence humaine : le couteau sur la glace, le feu dans la yourte, le chant de Sedna, mais aussi le bruit d’un avion ou d’une motoneige qui amène le fils prodigue chez ses parents. Les sons de la modernité sont ainsi marqués par le mécanisme, quand le martèlement du couteau semble irréductiblement lié à la vie sous tente. Un contraste frappant qui scande la nostalgie du propos.
Un monde à la fin annoncée
Car si le couteau sert avant tout à couper le poisson ou à briser la glace dans laquelle l’animal est pris, il risque d’être bientôt sans emploi : le poisson se fait rare, Nanouk ne parvient plus à en attraper. Résolument tournée vers le passé, Sedna le rassure en affirmant que ce n’est pas la première fois, avant de coudre un chapeau en peau pour leur fille disparue. Si le couple évoque également les rennes de leur jeunesse, ceux qui apparaissent dans le film s’éloignent ou meurent sous les roues d’une voiture. La fin de la Iakoutie n’est donc pas la seule affaire des hommes : les bêtes aussi disparaissent. Il ne reste plus à Nanouk que de partir à la recherche d’Aga, dans une mine de diamants entourée de bâtiments modernes et froids.
Julia Wahl
A découvrir sur Artistik Rezo :
– Milko Lazarov : “Le cinéma est un art brutal”
Articles liés
“La Negra” : un hommage à Mercedes Sosa par Claudia Meyer à la Maison de l’Amérique latine
Le caractère original et innovant de l’angle choisi par Claudia Meyer est de faire revivre l’artiste Mercedes Sosa (10 ans déjà) et de redécouvrir l’œuvre et l’itinéraire d’une femme internationalement connue pour sa voix, son engagement, ses succès et...
“Une trilogie new-yorkaise”, Paul Auster en miroir d’Igor Mendjisky au Théâtre de la Ville
Dans une fresque en forme de thriller de près de quatre heures avec entractes, Igor Mendjisky déclare sa flamme à l’écrivain américain Paul Auster et sa “Trilogie new-yorkaise”. Trois romans constituent les trois histoires qui croisent des détectives et...
Effets visuels (VFX), jeux vidéo et animation : l’école américaine GNOMON intègre le groupe EDH
GNOMON, établissement d’enseignement supérieur privé américain, spécialisé dans les domaines des effets visuels (VFX), des jeux vidéo et de l’animation, intègre le Groupe EDH, leader français de l’enseignement supérieur spécialisé dans la formation aux métiers créatifs. Fondée par Alex...